Solution #02
Garantir un juste prix sur une facture
Les Français restent très attachés au tarif réglementé* de l’électricité, qu’ils perçoivent souvent comme une garantie de stabilité et de protection face aux fluctuations du marché. Ce tarif, encadré par les pouvoirs publics et fixé à partir des coûts de production d’EDF, inspire confiance en raison de sa transparence et de son absence de spéculation.
Toutefois, ce tarif réglementé* a doublé en l’espace de vingt ans et a augmenté de près de 58% au cours des cinq dernières années alors que les coûts d’EDF sont restés plutôt stables. Alors que s’est-il passé ?
*Aujourd’hui, les consommateurs d’électricité ont le choix entre deux types de contrats : Au Tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE), fixé par les pouvoirs publics et proposé par EDF. A l’offre de marché, dont les prix sont fixés par les fournisseurs en fonction des prix de l’électricité sur les marchés, ce qui entraîne une plus grande variabilité des tarifs.
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Comprendre sa facture au tarif réglementé
Coûts de Fourniture : pourquoi sont-ils toujours plus cher ?
Avant 2007, le tarif de l’électricité était simple et transparent : il n’y en avait qu’un seul, celui d’EDF et il reflétait uniquement les coûts de production et les investissements d’EDF. Résultat : un tarif abordable pour tous, stable et transparent.
Mais les règles ont changé.
Pour se conformer aux exigences européennes, la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE), rattachée au ministère de l’Énergie, a modifié la méthode de calcul du tarif réglementé de l’électricité (TRVE). Cette décision, présentée comme une mise en conformité technique, masque en réalité un choix politique lourd de conséquences pour les consommateurs.
La CRE a introduit une méthode dite « par empilement », qui ajoute au tarif réglementé non seulement les coûts de production d’EDF, mais aussi :
- les prix de l’électricité sur le marché de gros,
- les frais liés à l’accès au nucléaire bon marché (ARENH),
- et les marges des fournisseurs alternatifs.
Cette méthode a un effet bien précis : elle garantit que le tarif réglementé soit systématiquement positionné au-dessus des offres des fournisseurs alternatifs. Autrement dit, elle oriente délibérément les consommateurs vers la concurrence, en rendant artificiellement le tarif d’EDF moins compétitif. La CRE porte donc une responsabilité directe dans cette manipulation du tarif réglementé, en instaurant un système qui pénalise les ménages tout en favorisant les acteurs privés du marché.
Un mot-clé : la contestabilité
La contestabilité, c’est l’idée que le tarif réglementé (celui proposé par EDF) ne doit pas empêcher les autres fournisseurs d’électricité de proposer des offres concurrentielles.
Autrement dit, le tarif réglementé ne doit pas être trop bas, car sinon les fournisseurs alternatifs (comme TotalEnergies, Eni, OHM, etc.) ne pourraient pas rivaliser. Ils achètent souvent l’électricité plus cher qu’EDF (qui produit elle-même) et ne pourraient donc pas proposer de prix compétitifs si le tarif réglementé restait trop bas.
Pourquoi est-ce un problème ?
Dans la logique des autorités européennes et de la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie), il faut préserver une « concurrence équitable » entre EDF et les autres fournisseurs.
Le tarif réglementé est relevé artificiellement pour laisser de la place aux concurrents.
Donc pour que le marché reste « contestable », le tarif réglementé est relevé artificiellement pour laisser de la place aux concurrents. Mais ce système a une conséquence très concrète : Les usagers paient plus cher que nécessaire, juste pour favoriser la concurrence, même si EDF pourrait fournir une électricité moins chère.
Le TUPRE : un levier méconnu de hausse des tarifs de l’électricité
Le scandale silencieux du TURPE : des milliards pour les actionnaires, des coupures pour les usagers ?
Parmi les différents éléments qui composent la facture d’électricité, le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité (TURPE) occupe une place importante. Ce tarif représente entre 20 et 30 % du montant total de la facture. Le TURPE finance 90 % du chiffres d’affaires des gestionnaires du réseau de transport de l’électricité RTE (pour le transport de la haute tension depuis la centrale) et Enedis (pour la distribution moyenne et basse tension aux usagers).
Le TURPE est fixé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et réévalué tous les quatre ans. Ce système répond à une logique de péréquation tarifaire, c’est-à-dire qu’il est le même sur tout le territoire et ne dépend pas de la distance parcourue par l’énergie. Théoriquement destiné à couvrir les coûts d’entretien et de développement des infrastructures de transport et de distribution d’électricité, il a connu des hausses successives, officiellement justifiées par les exigences de la transition énergétique :
- Raccordement des énergies renouvelables (notamment l’éolien en mer) et des futurs réacteurs nucléaires
- Remplacement des lignes vieillissantes datant de l’après-guerre
- Renforcement et modernisation des réseau
Le TURPE est devenu un levier financier au service d’une logique de rentabilité
Mais dans les faits, le TURPE est devenu un levier financier au service d’une logique de rentabilité. Enedis, gestionnaire du réseau de distribution, est devenu la « vache à lait » de sa maison mère EDF : plus d’un milliard d’euros de dividendes ont été ponctionnés en 2023. Cette course aux dividendes est devenue l’unique boussole de gestion d’Enedis, au détriment de ses missions de service public. Les collectivités, propriétaires des réseaux, dénoncent un sous-investissement chronique et une politique de maintenance a minima : les travaux ne sont souvent engagés qu’en réponse à des pannes ou à des défaillances techniques, faute de stratégie préventive.
Cette logique de court terme se fait aussi au détriment des agents. Les effectifs insuffisants, la pression croissante sur les équipes et la dégradation des conditions de travail sont devenues monnaie courante au sein d’Enedis. La qualité du service repose de plus en plus sur une charge accrue pesant sur des personnels en tension, tandis que les investissements dans l’outil industriel stagnent.
Dans le même temps, RTE — gestionnaire du réseau de transport haute tension — alerte sur la nécessité d’investir 100 milliards d’euros d’ici 2040 pour faire face à la montée en puissance de la consommation électrique, portée par l’électrification des usages. Ce chiffre souligne l’ampleur du défi… et le fossé entre les annonces et les moyens réellement mobilisés.
Dans un secteur dérégulé, où l’ARENH oblige EDF à céder son électricité à bas prix aux opérateurs privés, où les investissements internationaux hasardeux ont affaibli l’entreprise, et où la dette explose, le TURPE est devenu un outil opaque, utilisé pour combler les failles d’un système à bout de souffle. Sans contrôle démocratique, il pèse lourdement sur la facture des usagers, sans garantir ni la robustesse du réseau, ni la justice sociale, ni l’avenir énergétique du pays.
Une gestion publique et intégrée du réseau : la seule alternative viable
La hausse continue du TURPE est la conséquence directe d’un système morcelé, piloté par des logiques de marché, et déconnecté des besoins réels du service public. Pour garantir un tarif stable et juste, il est indispensable de :
- Repenser la gouvernance du TURPE, en instaurant un véritable contrôle démocratique sur sa fixation et son évolution.
- Revenir à une gestion intégrée du réseau, où la coordination de la centrale au compteur, entre production, transport et distribution permettrait de garantir un ensemble technique cohérent et optimisé
- Refuser la logique de financiarisation du secteur énergétique, qui transforme un bien essentiel en marchandise spéculative.
L’énergie est un bien commun. Sa gestion ne peut être confiée aux seuls critères du marché, au risque de voir les prix continuer à s’envoler au détriment des usagers et du service public.
La contre-proposition des CSEC EDF et Enedis pour un juste prix
Reprendre le contrôle des prix de l’électricité : une nécessité pour les usagers et le service public
Les CSEC EDF et Enedis appellent à une réforme profonde du Tarif Réglementé de Vente d’Électricité (TRVE) afin de garantir un prix abordable pour les usagers et de sortir d’un système de marché qui alimente la spéculation et l’inflation des factures.
Pour mettre fin aux dérives actuelles, le CSEC EDF propose :
- La suppression de la contestabilité du TRVE, qui expose les tarifs à la volatilité du marché et à la pression de la concurrence artificielle.
- Un nouveau mode de calcul du tarif réglementé, intégrant 90 % de coûts décarbonés (nucléaire, hydroélectrique, énergies renouvelables) et seulement 10 % de complément de marché (production thermique, importations).
Ce modèle permettrait de couvrir 90 % de la consommation française, tout en assurant le financement des dépenses opérationnelles d’EDF et des investissements dans la production.
- Impact immédiat sur les factures : le prix du kWh passerait de 25 centimes à 20 centimes, hors abonnement. Avec une TVA maintenue à 5,5 % sur l’abonnement et 20 % sur la consommation, cela représenterait une baisse de 20 % sur la facture des ménages, soit une économie de 250 € par an pour un foyer moyen.
- Un service public financé sans subvention : en adoptant cette approche, le « bouclier tarifaire » et la Contribution au Service Public de l’Électricité (CSPE) pourraient être ramenés à zéro, puisque les énergies renouvelables seraient rémunérées à leur coût complet, sans nécessiter d’aides publiques.
- Vers une entreprise intégrée et une péréquation tarifaire renforcée : la constitution d’un acteur unique regroupant l’ensemble de la chaîne électrique — de la recherche et la production, jusqu’au transport (RTE), la distribution (Enedis) et la commercialisation — permettrait une gestion cohérente et stratégique de l’ensemble technique du système énergétique. Cette intégration favoriserait une optimisation globale des coûts, une planification efficace des investissements, et une meilleure articulation entre innovation, infrastructures et besoins des usagers. Elle renforcerait la logique de péréquation tarifaire sur tout le territoire, y compris dans les DROM-COM, en assurant la continuité territoriale et l’égalité d’accès à une électricité fiable, durable et économiquement soutenable.
Un levier pour les investissements stratégiques
En plus de stabiliser les prix, ce mécanisme permettrait de préparer l’avenir énergétique :
- Une hausse d’un centime du kWh, de 20 à 21 centimes, générerait 5 milliards d’euros par an, soit un financement potentiel de 50 à 60 milliards d’euros en 10 ans, de quoi financer les six premiers réacteurs EPR et sécuriser la production électrique de demain.
- Ce modèle est incompatible avec un marché spéculatif et le trading de l’électricité, qui détourne les ressources du service public au profit d’intérêts privés.
Il est temps de reprendre le contrôle de la tarification de l’électricité, de redonner à EDF un cadre stable et intégré, et de garantir un service public de l’énergie au service des usagers, et non des marchés financiers.
Généraliser les tarifs régulés aux usagers, services publics et TPE-PME
L’électricité est un bien essentiel. Pourtant, les réformes successives ont exclu de nombreux acteurs des Tarifs Réglementés de Vente (TRV), exposant les collectivités, les petites entreprises et les services publics à la spéculation des marchés.
Un tarif accessible pour tous
Le CSEC EDF plaide pour une généralisation des TRV à l’ensemble des usagers domestiques, des services publics et des petites entreprises.
Pourquoi ?
- Les collectivités locales et les services publics (hôpitaux, écoles, universités, transports) sont actuellement contraints d’acheter leur électricité sur les marchés, avec des hausses imprévisibles qui pèsent sur leurs budgets.
- Les TPE-PME, artisans et commerçants sont aujourd’hui exclus des TRV, les exposant à des tarifs fluctuants et élevés.
- Les bailleurs sociaux et les résidences collectives sont eux aussi soumis à des prix instables, alors que l’électricité est un besoin de base.
Une réforme pour protéger les usagers et stabiliser l’économie
Le CSEC EDF propose :
- Un retour à l’éligibilité des TRV pour les petites entreprises, artisans et collectivités.
- Un prix fixe pour les structures publiques et sociales, limitant l’impact des hausses brutales.
- Une péréquation tarifaire renforcée, garantissant un accès équitable à une électricité abordable sur l’ensemble du territoire.
Cette réforme est indispensable pour sortir des logiques purement marchandes et redonner à l’électricité son rôle de bien public accessible à tous.